Le marché du diamant en mutation

Comme le rapporte l’article du Temps ci-dessous signé de Adrià Budry Carbó, la plus grande mine de diamants colorés va fermer ses portes. Un symbole de plus pour un marché en pleine mutation qui doit désormais vivre avec l’émergence du diamant de synthèse.

Après quarante ans d’activité, le groupe minier anglo-australien Rio Tinto a annoncé vendredi la fermeture de sa mine d’Argyle d’ici à la fin 2020. Situé dans l’ouest de l’Australie, le site était connu pour ses diamants roses (parmi les plus chers du monde), dont il assurait près de 90% de la production mondiale. Une page se tourne pour l’industrie diamantaire.
«Le marché va perdre une bonne quantité d’approvisionnement», a admis vendredi Arnaud Soirat, responsable de la division cuivre et diamants chez Rio Tinto, à l’agence économique Bloomberg. La mine d’Argyle, à quelque 192 kilomètres de la capitale régionale, Perth, alimentait la surproduction mondiale avec ses 14 millions de carats. Soit près d’un dixième de l’offre globale: un record.

En parallèle de ses diamants roses haut de gamme, dont la valeur peut atteindre jusqu’à plusieurs millions de dollars par carat, Argyle produit majoritairement des pierres brunes, de moindre valeur (en moyenne entre 15 et 25 dollars le carat). Dans un secteur déjà écrasé par la concurrence.

Car, sur ce marché à 82 milliards de dollars, la demande mondiale s’est arrêtée de croître. Aux Etats-Unis, premier consommateur avec près de 50% du marché, mais aussi en Chine ou en Inde, pour des raisons domestiques ou de conjoncture, normes anti-corruption dans le premier ou démonétisation de la roupie dans le second, selon le rapport phare du secteur produit par le cabinet d’analyse Bain & Co.

La concurrence s’est pourtant accrue du côté de l’offre. Chez les détaillants, avec la multiplication des plateformes numériques de distribution mais aussi, du côté du produit, avec le boom des diamants de synthèse, fabriqués en laboratoire. «Ils ne sont pas rares, donc ils ne valent rien», ont beau répéter les grands extracteurs. Sur le marché des petites gens, ils entrent directement en concurrence avec ceux qui proviennent directement des entrailles de la Terre.

Le groupe sud-africain De Beers semble en tout cas le croire. Concurrent de Rio Tinto sur les diamants naturels, il a lancé cet automne deux collections «low cost» de pierres colorées de synthèse. Son prix: 800 euros le carat, soit cinq fois moins cher que ce qu’il se faisait jusqu’à présent.
Le fer est l’avenir de la pierre

Conséquence: les extracteurs devraient couper les vannes des pierres précieuses, afin d’espérer faire remonter les prix. Le premier producteur mondial de diamants, le russe Alrosa PJSC, basé dans la région sibérienne de Yakoutie, estime que ce sont déjà 21 millions de carats qui sont appelés à disparaître d’ici à 2023. En y incluant les 14 millions de la mine de Rio Tinto.

La fermeture d’Argyle devrait, à elle seule, effacer 75% de la production de Rio Tinto. Mais l’impact devrait être «négligeable» sur les revenus du groupe, selon les calculs de Bloomberg. L’agence rappelle que la division diamantaire ne représente que 2% de ses revenus globaux, contre 60% pour les minerais de fer.

Rio Tinto ne renoncera pas pour autant au bling-bling et à ses marges. «Ce n’est pas une matière première, c’est un bien de luxe, a souligné vendredi Arnaud Soirat. Les dynamiques de marché sont donc complètement différentes.» Autrement dit: concernant l’extraction de pierres précieuses, le groupe devrait davantage se concentrer sur les segments à très forte valeur ajoutée.

Pour les possesseurs de diamants colorés, la diminution de la production mondiale est aussi une bonne nouvelle. Leur valeur ne devrait qu’en briller davantage.

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